Le Canada n’a toujours pas de plan à l’approche de l’échéance pour cesser le financement du secteur international des combustibles fossiles

Lors de la conférence de l’ONU sur le climat tenue l’année dernière à Glasgow, le Canada s’est joint à des dizaines de pays pour s’engager à cesser d’apporter un soutien financier public au secteur international des combustibles fossiles d’ici la fin de 2022.[1] À quelques semaines de l’échéance, le gouvernement n’a pas encore publié son plan pour respecter cet engagement. S’il venait à en publier un, il faudra porter attention à ses détails – notamment la définition des termes clés et les exceptions potentielles – qui seront essentiels pour déterminer toute la portée de cet engagement pour le Canada.

Des manifestants exigent la fin du soutien d’Exportation et développement Canada aux combustibles fossiles. Crédit photo: Environmental Defence

On ne sait pas si Ottawa a même communiqué ces détails à Exportation et développement Canada (EDC), la société d’État qui fournit la quasi-totalité du financement en question. Les milliards de dollars qu’EDC fournit aux entreprises pétrolières et gazières canadiennes et étrangères chaque année font du Canada l’un des plus grands bailleurs de fonds publics au monde pour les combustibles fossiles.

En avril 2022, la présidente d’EDC a déclaré aux parlementaires que l’organisation cesserait de consentir « de nouveaux investissements aux entreprises internationales de combustibles fossiles » d’ici la fin de cette année. Ces remarques soulèvent toutefois de nombreuses questions qui restent sans réponse : les entreprises « internationales » incluent-elles les entreprises canadiennes qui exercent leurs activités à l’étranger? Englobent-elles les entreprises étrangères œuvrant au Canada? EDC prévoit-elle des exemptions qui lui permettraient de continuer à soutenir des projets gaziers à l’étranger ou des projets qui utilisent la technologie controversée de captage du carbone, critiquée par des scientifiques parce qu’elle prolonge d’après eux la dépendance envers les combustibles fossiles?

Above Ground a écrit à EDC en juillet pour obtenir des réponses à ces questions et à d’autres. La lettre de l’organisation, envoyée en septembre, n’y a pas répondu. Près d’un an après qu’Ottawa ait signé l’engagement en novembre 2021, EDC a affirmé qu’elle continuait de travailler avec le gouvernement pour « interpréter [la] portée » et les « plans de mise en œuvre » du gouvernement.

Les définitions que le gouvernement choisira pour son plan auront des effets importants sur la partie du soutien du secteur pétrolier et gazier visée par l’engagement pris à Glasgow. Une estimation préliminaire du gouvernement établit ce chiffre à seulement un milliard de dollars par année. Or cette estimation ne représente qu’une infime fraction du financement global du Canada aux combustibles fossiles, dont une grande partie est versée à des entreprises canadiennes menant leurs activités au pays.

Il semble en outre probable que certains soutiens aux entreprises de combustibles fossiles ne sera pas affecté par cet engagement sous prétexte que cette exemption a pour but de développer des « technologies propres ». Le gouvernement définit ces dernières de manière si large qu’elles comprennent « tout bien ou service moins polluant ou plus économe en ressources que les produits habituels équivalents d’une utilité semblable ». La taxonomie d’Ottawa permet à EDC de considérer les projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) dans le secteur des combustibles fossiles comme des « technologies propres », même si des scientifiques avertissent que le CUSC a entraîné une augmentation des émissions globales. Le captage du carbone encourage en effet une plus grande production de pétrole et de gaz, tout en ne faisant rien pour réduire les émissions générées lorsqu’on brûle le combustible, qui constituent 80 % des émissions du pétrole et du gaz.

En dépit des demandes présentées à maintes reprises par la société civile et les parlementaires, EDC n’a pas encore publié la liste des transactions qu’elle classe dans la catégorie des « technologies propres ». Dans notre lettre envoyée à EDC en juillet, nous avons demandé une fois de plus à l’organisation de fournir une telle liste, mais elle a refusé.[2]

Alors que les émissions générées dans les pays où sont brûlés les combustibles fossiles canadiens grimpent en flèche, le gouvernement ne peut pas justifier qu’EDC continue de financer l’expansion de l’industrie. Il doit immédiatement présenter un plan pour mettre fin rapidement à ce soutien.

  • Lire notre lettre à EDC (29 juillet 2022, en anglais)
  • Lire la réponse d’EDC (22 septembre 2022)
  • En savoir plus au sujet du financement des combustibles fossiles par le Canada
  • Passez à l’action: envoyez un message avec Amnistie internationale pour exiger que le Canada cesse immédiatement de financer les combustibles fossiles.

[1] Plus précisément, les signataires de la déclaration se sont engagés à « cesser tout nouveau soutien public direct au secteur international de la production soutenue d’énergie à partir de combustibles fossiles d’ici la fin de 2022, sauf dans de rares circonstances clairement définies qui correspondent à la limite de réchauffement de 1,5 °C et aux objectifs de l’Accord de Paris ». La déclaration complète est accessible ici.

[2]Une telle liste doit exister sous une forme quelconque. En son absence, l’organisation n’aurait pas pu calculer qu’elle a facilité des affaires d’une valeur de 6,3 milliards de dollars dans les « technologies propres » en 2021.