le 24 novembre 2022
Above Ground a soumis ce mémoire au comité parliamentaire des affaires étrangères et du développement international à l’occasion de l’étude du Projet de loi S-211, qui obligerait les entreprises à publier des rapports au sujet du risque d’esclavage dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de soumettre un mémoire au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international à l’occasion de l’étude du Projet de loi S-211, la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Nous partageons l’opinion exprimée par de nombreuses personnes selon laquelle le Canada ne devrait pas adopter ce projet de loi, car il permettrait aux entreprises de continuer à tirer profit du travail forcé et du travail des enfants en toute impunité. Le Canada devrait plutôt adopter une loi exigeant que les entreprises prennent des mesures significatives contre les violations des droits humains, comme le Projet de loi C-262.
Contexte
On sait que le travail forcé est très répandu dans la production de nombreux biens, et il est largement admis que les entreprises acheteuses sont en partie responsables de mettre fin à ces abus. Selon les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui ont été approuvés par de nombreux pays dont le Canada il y a plus de dix ans, toutes les entreprises doivent veiller à ne pas contribuer aux violations des droits humains, y compris par le biais de leurs chaînes d’approvisionnement.
Il est temps de rendre ces règles juridiquement contraignantes. Certains pays l’ont déjà fait en adoptant des lois obligatoires sur la diligence raisonnable en matière de droits humains. Au lieu de suivre leur exemple, le Canada adopterait une loi qui se contentera d’exiger des entreprises qu’elles disent ce qu’elles font, le cas échéant, au sujet du risque d’esclavage dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Ce que le Projet de loi S-211 ferait et ne ferait pas
Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne ferait pas grand-chose pour mettre fin à l’esclavage moderne. Il obligerait seulement les entreprises à publier des rapports indiquant si elles ont pris des mesures pour identifier ou réduire l’utilisation du travail forcé ou du travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. Il n’exigerait pas des entreprises qu’elles évaluent ces risques de manière approfondie, qu’elles agissent en fonction de leurs conclusions, qu’elles cessent d’acheter des produits fabriqués par des esclaves, ni qu’elles prennent quelque mesure que ce soit. Une entreprise peut se voir infliger une amende, mais uniquement pour avoir omis de publier un rapport ou pour avoir fait de fausses déclarations.
En termes simples, une loi qui exige des entreprises qu’elles fassent rapport mais ne les oblige pas à cesser de causer des torts est dénuée de sens. Sans conséquences pour leurs actions, les entreprises ne sont guère incitées à prévenir les violations des droits humains et les personnes lésées n’ont aucun recours en justice.
La législation anti-esclavagiste dont nous avons besoin est le Projet de loi C-262
Nous exhortons les membres de ce comité à dire non au Projet de loi S-211. Si le Canada veut sérieusement lutter contre l’esclavage, nous devons adopter une loi qui obligerait les entreprises à changer ce qu’elles font, et non ce qu’elles disent. Nous avons besoin d’une loi qui oblige les entreprises à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement. Cela signifie qu’elles doivent examiner attentivement leurs activités commerciales afin d’identifier les risques réels et potentiels pour les personnes et la planète, prendre des mesures pour atténuer ces risques et garantir une réparation aux personnes lésées.
Une telle loi a déjà été déposée sous la forme du Projet de loi C-262, la Loi sur la responsabilité des entreprises de protéger les droits de la personne, et elle pourrait être présentée au Parlement au début de 2023. Bien que la loi ne viserait pas exclusivement l’esclavage, elle ferait beaucoup plus pour le combattre que ne le ferait une loi obligeant à produire des rapports. Contrairement au Projet de loi S-211, le Projet de loi C-262
- exigerait des entreprises qu’elles respectent les droits humains, y compris les droits des travailleurs ;
- exigerait des entreprises qu’elles identifient, atténuent et préviennent les atteintes aux droits humains, y compris le travail forcé ; et
- garantirait des conséquences significatives pour les entreprises causant ou contribuant à causer des dommages, en aidant les personnes et les communautés qui ont été lésées à accéder à la justice.
Ce dernier point est essentiel. En vertu du Projet de loi C-262, une entreprise qui cause un préjudice pourrait être tenue responsable, car les personnes touchées auraient le droit légal d’intenter une poursuite civile contre l’entreprise devant un tribunal canadien.
Le Canada a été appelé à adopter une telle loi par plus de 100 experts canadiens, par plus de 150 organisations et syndicats qui travaillent avec des personnes touchées par les activités des entreprises canadiennes dans le monde entier, et par ce même comité parlementaire en mars 2021.
Cela mettrait le Canada au même niveau que des leaders tels que l’UE, la France, l’Allemagne et la Norvège, qui ont mis en place ou sont en train de développer des lois similaires.
Le Projet de loi C-262 s’attaquerait également aux nombreuses façons dont les entreprises canadiennes nuisent aux personnes et à la planète, en dehors de leurs liens avec le travail forcé. Les entreprises qui recourent à des tactiques telles que la démolition de maisons et la violence sexuelle pour relocaliser de force des personnes ou qui polluent gravement l’eau d’une communauté, un déversement toxique après l’autre, ne devraient pas nous inquiéter moins que celles qui profitent de l’esclavage moderne. La meilleure façon pour le Canada d’agir contre tous ces abus est d’adopter une loi sur la diligence raisonnable obligatoire.