Ottawa a fait un grand pas en mettant fin à un autre élément important de son soutien aux combustibles fossiles. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière une politique faisant du Canada le premier pays du G20 à publier un plan pour concrétiser l’engagement pris par le groupe en 2009 en vue d’éliminer progressivement les subventions soi-disant « inefficaces » du secteur des combustibles fossiles.
En vertu de la nouvelle politique, le soutien fédéral considéré comme une subvention aux combustibles fossiles ne peut plus être fourni à moins de remplir l’un de six critères. Malheureusement, ces critères comportent d’importantes exemptions qui pourraient permettre aux sociétés de combustibles fossiles qui défendent de fausses solutions aux changements climatiques de profiter de milliards de dollars en allégements fiscaux et en fonds publics. Par exemple, Ottawa fournira encore des subventions qui facilitent des « procédés de fabrication à émissions réduites » (en anglais, « abated production processes »), une expression souvent utilisée par les pétrolières pour décrire leur technologie de captage du carbone visant à réduire les émissions issues de leurs activités. Ceci ne tient pas compte de la quantité bien supérieure d’émissions produites lorsqu’on brûle les combustibles.
Pour apaiser les inquiétudes concernant ces échappatoires, il faut qu’Ottawa communique au public tous les détails de la mise en œuvre de la politique, y compris une liste des subventions qu’elle maintient et la justification de celles-ci. Le gouvernement doit démontrer aux Canadiens que, comme promis, « tout soutien gouvernemental accordé à ce secteur ne retardera pas la transition vers les énergies renouvelables, qu’il est conforme aux objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement à 1,5 °C et qu’il tient compte de la disponibilité de sources d’énergie de remplacement crédibles. »
Ce qui est peut-être encore plus important, c’est que la nouvelle politique laisse intact le financement d’Exportation et développement Canada (EDC), qu’Ottawa ne considère pas comme une subvention, ce qui soulève une controverse. Rien que l’année dernière, EDC a versé environ 20 milliards de dollars à des sociétés pétrolières et gazières, surtout sous forme de prêts, de garanties et d’assurance, ce qui représente la plus grande partie du soutien financier du secteur par le Canada.
Ottawa s’est engagé à « élaborer un plan » pour éliminer progressivement ce financement également. Depuis janvier dernier, le gouvernement, en vertu de la Déclaration de Glasgow, a interdit à EDC de fournir un nouveau financement direct à la plupart des activités pétrolières et gazières à l’étranger. Cette restriction ne s’applique pas toutefois au financement des activités de l’industrie au Canada, ce qui représente la majeure partie des fonds publics qu’EDC fournit aux combustibles fossiles.
À la fin de 2022, on s’attendait à ce que le gouvernement fédéral annonce l’échéancier de son plan d’élimination progressive du soutien aux combustibles fossiles, y compris le soutien au pays, au cours des prochains mois. Or, l’annonce de la semaine dernière indique que la population canadienne devra attendre encore un an, jusqu’à la fin de 2024, pour savoir quand le gouvernement a finalement l’intention de cesser de financer les sociétés pétrolières et gazières au pays.
Entre-temps, Ottawa continue d’appuyer l’expansion de l’industrie en mettant en jeu de milliards de dollars des contribuables. Depuis janvier dernier, le Cabinet a approuvé directement pas moins de trois garanties de prêts supplémentaires pour le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (TMX), dont les coûts qui ne cessent d’augmenter sont actuellement évalués à 30,9 milliards de dollars. Les nouvelles garanties portent le total du financement public à plus de 26 milliards de dollars, dont plus de 11 milliards en prêts.
Le Canada doit arrêter d’alimenter le feu de l’urgence climatique qui cause des décès et affecte la santé, le gagne-pain et le foyer d’innombrables personnes. Le gouvernement doit élaborer de toute urgence un plan d’élimination de tout le financement des combustibles fossiles en s’appuyant sur les bases solides de la Déclaration de Glasgow et en arrêtant pour de bon de soutenir l’industrie pétrolière et gazière, tant au Canada qu’à l’étranger.